« Il y a une autre chose qui me donne plus de souci que le crépi et qui m'empêche non seulement de peindre, mais aussi de vivre: c'est la ratification [du contrat] qui n'arrive pas, et je me rends compte qu'on m'a payé de paroles, de sorte que je suis au fond du désespoir. J'ai arraché de mes entrailles quatre cents écus, qui m'auraient permis de travailler sept années, et de faire deux tombeaux au lieu d'un: je l'ai fait pour pouvoir vivre en paix et servir le Pape de tout mon cœur. À présent je me retrouve avec moins d'argent et plus de chicanes et de tourments que jamais. Ce que j'ai fait concernant ledit argent, je l'ai fait avec l'assentiment du Duc [della Rovere], et au prix d'un contrat de désengagement; et maintenant que je l'ai déboursé, la ratification n'arrive pas, de sorte qu'on peut fort bien voir ce que cela signifie, sans avoir besoin de l'écrire.
Conclusion: pour trente-six années de fidélité et pour m'être dévoué avec persévérance à d'autres, voilà ce que je récolte: la sculpture et la peinture, le labeur et la fidélité, m'ont ruiné, et cela va toujours de mal en pis. Mieux eût pour moi valu que, dès mes premières années, je me fusse mis à fabriquer des allumettes, car je n'éprouverais pas tant de tourments! J'écris tout cela à Votre Seigneurie, car en homme qui m'est attaché, qui a géré cette affaire et en connaît la vérité, vous la ferez entendre au Pape, pour qu'il sache que je ne peux plus, non seulement peindre, mais vivre. »

« Messire Benedetto, je dirai que la peinture me semble d'autant meilleure qu'elle se rapproche davantage de la sculpture et que la sculpture sera tenue d'autant plus mauvaise qu'elle se rapproche de la peinture; c'est pourquoi mon avis a toujours été que la sculpture était le phare de la peinture, et que, de l'une à l'autre, il y avait la même différence qu'entre le soleil et la lune. À présent, après avoir lu votre Opuscule où vous dites, philosophiquement parlant, que les choses qui ont la même fin sont une seule et même chose, j'ai changé d'avis et je dirai que, si un jugement, des difficultés, des entraves et un labeur plus considérables, ne confèrent pas une plus grande noblesse, la peinture et la sculpture sont une seule et même chose; mais pour qu'il en soit ainsi, tout peintre ne devrait exécuter pas moins de sculpture que de peinture; de même, un sculpteur autant de peinture que de sculpture. Qu'il suffise de dire que l'une et l'autre, je veux dire la peinture et la sculpture, provenant d'une même intelligence, on peut les amener à se réconcilier tranquillement ensemble, et laisser de côté toutes ces disputes qui demandent plus de temps que pour faire des figures. Si celui qui a écrit que la peinture est plus noble que la sculpture, a compris tout aussi bien les autres choses qu'il a écrites, ma servante les aurait écrites mieux que lui. »