En tant que société traditionnelle, le Tibet ne parvint, certes, qu'à un modeste niveau de progrès technologique et d’éducation. Pourtant il se
montra entreprenant dans divers secteurs d’activité des arts et de l’artisanat, ainsi que dans différentes branches du savoir. De toute évidence, nombre de ces domaines étaient en lien avec les traditions religieuses dominantes, mais certains échappaient à cette règle. Les chroniqueurs chinois avaient en effet, dès la dynastie Tang, signalé l’excellence de la métallurgie tibétaine. Ils soulignaient en particulier l’existence de cottes de mailles finement ciselées portées par les guerriers tibétains. Mais aussi les remarquables ponts suspendus à chaînes de fer qui, déjà à cette époque, enjambaient quelques-unes des gorges dangereuses du Tibet oriental. Maçonnerie, charpenterie, tissage, manufacture du papier et joaillerie figuraient ainsi parmi les multiples secteurs des arts appliqués maîtrisés par les Tibétains. Alors que les oeuvres les plus achevées étaient l’apanage d’un petit nombre d’artisans experts, ceux dont le travail était un luxe rare qui ne devait, pour ainsi dire, qu’aux seules commandes émanant des échelons supérieurs du clergé et de l’aristocratie, il n’en restait pas moins que, textiles, ustensiles de cuisine et objets décoratifs, y étaient produits en quantité.
L’inspiration indienne dans les sciences profanes contribua à l’élaboration de disciplines linguistiques, au rang desquelles figurent les études
grammaticales et la lexicographie. Parmi les arts littéraires, les écrits historiques et biographiques, y compris autobiographiques, se développèrent au Tibet à un niveau inconnu du reste de l’Asie traditionnelle.
La production de livres imprimés tibétains dut voir le jour au XIIe siècle, dans le royaume du Xia occidental, et se répandit à grande échelle au
Tibet même, au début du XVe siècle. Alors que s’étoffe le corpus des textes imprimés et des manuscrits tibétains aujourd’hui disponibles – ils se comptent actuellement par dizaines de milliers de volumes – nous ne pouvons qu’être frappés par l’extraordinaire dévouement aux arts de l’écrit dont sut faire preuve cette population. Une population dont la situation matérielle semble pourtant être, à bien des égards, fondamentalement éloignée du genre de culture plus ou moins citadine dans laquelle, en d’autres lieux, la production littéraire se révèle d’ordinaire prospère. Au Tibet, les arts dramatiques et la musique connurent un haut niveau de développement, que ce soit dans des contextes monastiques ou profanes, entraînant par là même les métiers annexes de costumiers, fabricants de masques, etc. Quant aux traditions monastiques de musique sacrée, elles furent à l’origine de systèmes de notation musicale et d’une description chorégraphique précise. Nous avons précédemment fait référence à la complémentarité des sciences médicinales et divinatoires, des domaines dans lesquels les Tibétains firent la synthèse des savoirs indiens et chinois en la matière. La connaissance médicale, qu’il s’agisse de médecine humaine ou vétérinaire, y était particulièrement développée. Et de nos jours, elle reste l’un des aspects dynamiques du savoir traditionnel tibétain. (Pages 365-366)